Vers une sociologie de la conscience
Stress individuel et tensions sociales ont-ils partie liée ? Élément de réponse avec une observation des taux de criminalité aux USA sur une période de quinze ans.
Que la conscience existe ne semble pas susciter le moindre doute : tous les êtres humains ne sont-ils pas conscients ? N’est-ce pas la limite intangible entre la vie et la mort ?
Elle se manifeste au niveau individuel en nous permettant de faire l’expérience de nos perceptions, de nos pensées, de nos ressentis, de nos émotions, de nos sentiments. Pour autant peut-on parler de conscience collective et de sociologie de la conscience ? Ce phénomène individuel indéniable (ne serait-ce que parce que vous lisez ce texte qui émane de ma conscience et que votre conscience s’en trouve sollicitée) donne-t-il lieu à des phénomènes collectifs ? Peut-on et doit-on parler d’une sociologie de la conscience ?
L’étude scientifique Evaluation of a Field Theory of Consciousness and Social Change publiée en juillet 2022 dans la revue internationale Studies in Asian Social Science semble en attester. De même que les 32 publications, allant dans le même sens, publiées précédemment dans différentes revues scientifiques.
Elles concluent toutes qu’une réduction des stress et des tensions dans une partie de la population d’une ville, d’une région ou d’un pays produit des changements significatifs pour l’ensemble de la population concernée. Et fait remarquable, l’obtention de cet effet collectif ne nécessite de mobiliser qu’un faible pourcentage de la population affectée, de l’ordre de racine carrée de 1% de cette population. Si cette observation se voit confirmée par d’autres études et devient l’objet d’un consensus de la communauté scientifique, cela ouvrirait des perspectives tout à fait nouvelles pour améliorer le fonctionnement de nos sociétés, pour aller vers plus de cohérence, de détente et d’harmonie au plan collectif. N’est-ce pas le besoin essentiel et prioritaire de notre époque ?
Dans l’étude précitée, les méthodes utilisées pour réduire stress et tensions dans une partie de la population étaient la pratique de la Méditation Transcendantale ® (MT) et ses techniques avancées, certainement la pratique de méditation la mieux documentée sur le plan scientifique depuis 50 ans, avec plus de 700 recherches publiées à ce jour. Par ailleurs, les résultats attendus au niveau des populations concernées avaient fait l’objet d’une hypothèse théorique avant le début de la période étudiée.
L’observation concerne la période de janvier 2007 à décembre 2011 aux Etats-Unis, comparée aux sous-périodes des 5 années précédentes et des 5 années suivantes. Le groupe de personnes, pratiquant collectivement la MT et techniques avancées, était localisé à Fairfield (Iowa) à l’Université Internationale Maharishi (MIU).
Début 2007, la taille du groupe a atteint — selon les prévisions théoriques formulées avant l’étude — le seuil nécessaire pour obtenir un effet significatif sur l’ensemble de la population des Etats-Unis (1725 personnes soit racine carrée de 1% de la population des USA); l’indicateur choisi pour identifier cet effet étant le taux de criminalité (homicides) mensuel pour l’ensemble des Etats-Unis. La taille du groupe est restée supérieure à ce seuil jusqu’en décembre 2011.
Baisse significative de la criminalité
Pendant toute cette période, comme l’indique la courbe de la figure 1, ce taux de criminalité a connu une baisse constante. Plus remarquable encore, quand par manque de ressources financières la taille du groupe est repassée sous ce seuil, le taux de criminalité est reparti à la hausse pour revenir progressivement à son niveau de décembre 2006.
Bien sûr tout sociologue averti se pose la question des biais possibles pour expliquer ces résultats. L’étude démontre que la probabilité que la baisse de la criminalité ait été due (*) à d’autres facteurs est inférieure à un sur un million (p<1 x 10-6 ). De même, la probabilité que le retour du taux de criminalité à son niveau antérieur ait été dû (*) à d’autres facteurs est inférieure à 1 sur 100 milliards de milliards (p<1 x 10-20 ).
Cette étude rétrospective menée avec la plus grande rigueur scientifique semble montrer de façon indéniable que la conscience ne relève pas uniquement de l’individuel mais relève également du champ collectif nous faisant passer de la notion de conscience individuelle à la notion de conscience collective, et plus abstraitement à la notion de champ de conscience.
Voici un vaste domaine de recherche qui s’ouvre pour la sociologie et un espoir qui se fait jour pour rendre nos sociétés plus cohérentes, plus harmonieuses, en un mot plus humaines.
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(*) Les auteurs concluent que la baisse théoriquement prévue et l’augmentation subséquente des homicides ne peuvent pas être expliquées de façon plausible par d’autres facteurs tels que les changements dans les effectifs de la police, les stratégies de maintien de l’ordre, les taux d’incarcération, la proportion de jeunes américains âgés de 18 à 25 ans, les facteurs saisonniers, notamment la température, ou les facteurs économiques tels que le chômage et les taux d’inflation. Les résultats n’étaient pas non plus attribuables à des tendances préexistantes ou à une violation des hypothèses statistiques pour l’analyse de régression des séries chronologiques.
Étude publiée par Kenneth L. Cavanaugh, Michael C. Dillbeck et David W. Orme-Johnson, sous le titre Évaluation d’une théorie de la conscience et du changement social dans le numéro de juillet 2022 (Vol. 8(1), pp. 1-32) de la revue Studies in Asian Social Science. Un pdf de l’article peut être consulté ou téléchargé sur le site de la revue : https://sciedupress.com/journal/index.php/sass/article/view/22303/13835.
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